E113: Dimanche 22 mai // Enterprise – Caliente

72,59km – 10h28′

Aujourd’hui nous continuons notre progression à travers la Dixie National Forest. Dès le premier kilomètre nous entrons sur une piste. De plutôt bonne facture cela dit. Et l’avantage des pistes, c’est que bien souvent nous sommes seuls au monde.
Ces grandes étendues de bosquets sont idéales pour faire des plans avec le drone. Et sans être dérangés, s’il vous plait. Car ici ce sont bien les oiseaux qui font la loi. On aperçoit un faucon qui chasse les lapins de bon matin, tandis que deux petits oiseaux s’en prennent avec ténacité à un corbeau bien plus grand qu’eux, venu fouiner d’un peu trop près dans leur nid.
Serge nous refait une légère hypoglycémie ce matin, et avale un peu de coca vers le deuxième kilomètre. Rien de bien méchant.
Rarement depuis le début de cette course nous n’avions eu autant de monde au départ d’une étape. Serge n’a pas l’air au mieux aujourd’hui, et je suis persuadé que cette équipe agrandie y est pour quelque chose. Il est certes très heureux d’avoir son fils Nicolas avec lui pour le week-end, et de maintenant compter Bertrand et Monika parmi nous, mais je le sens dérangé par cette nouvelle organisation. Et je le comprends, c’est vrai que les journées ne sont plus les mêmes. Déjà, l’activité est beaucoup plus dense autour de lui. Lorsque l’on passe de trois à six personnes, cela augmente les déplacements, les discussions et les besoins de tout le monde, et à mon avis provoque même une légère frustration chez Serge de ne pas faire partie de se nouvel élan de groupe. Car notre coureur ne peut profiter de tout cela que pendant quelques dizaines de secondes, tous les 5 kilomètres. Néanmoins je ne perçois pas cela comme quelque chose de péjoratif, ou bien de rédhibitoire, mais plutôt comme un changement auquel Serge doit s’habituer. Mais c’est aussi valable pour Bertrand et Monika, qui doivent prendre leurs marques et s’adapter au rythme des journées, tandis que René et moi devons apprendre à gérer notre étape en fonction de ces nouveaux arrivants, de leur déléguer des tâches, mais sans pour autant imaginer qu’ils savent déjà tout faire et ont les mêmes réflexes que ceux que nous avons acquis après plus de deux mois passés ici. C’est une situation assez particulière, où chacun doit y mettre du sien pour la rendre la plus facile possible, sans pour autant trop se laisser emporter par la satisfaction d’être tous ensemble et de penser que cela va se faire tout seul.
Et voilà, alors que je divague dans mes pensées, nous quittons déjà l’Utah. Pour le moment c’est l’endroit qui m’a le plus impressionné. Et de loin. Déjà car ce fut une véritable découverte, mais aussi car avant de partir je n’aurais jamais misé un kopek sur la beauté de cet endroit. Mais force est de constater que les mormons ont bien choisi leur endroit pour s’installer.
Peu après le 35ème kilomètre et son maintenant célèbre ravito « banane / choco », nous quittons enfin notre piste pour la highway 319. Niveau bas-côtés, Serge passe du tout au rien. D’une piste absolument déserte (2 voitures et 1 moto croisées durant ces 6 premières heures de course) à un rebord inexistant, c’est le grand écart. Néanmoins la circulation est toujours aussi faible. Par contre niveau paysage, on y gagne. La vue sur le Nevada est imprenable, et l’on aperçoit différentes montagnes à une bonne vingtaine de kilomètres au loin. Le drone est bien rentabilisé aujourd’hui.
Nous entamons donc la traversée de notre 13ème état américain : le Nevada ! Le panneau censé marquer la frontière avec l’Utah a quelque peu traversé les âges. Celui-ci est criblé de balles, et l’on peut à peine y lire « Nevada – Utah. State Line ». Et le ton est tout de suite donné : dès la première station essence où je m’arrête acheter de l’eau, se trouvent cinq machines à sous alignées le long de la vitrine. Et oui le Nevada est bien connu pour sa législation assez unique sur les jeux d’argent, et notamment les machines à sous, et ce premier exemple en est une bonne preuve.
En direction de Panaca, alors que nous sommes lancés à pleine vitesse, un roadrunner traverse la route quelques centimètres devant notre voiture. Bertrand en aperçoit deux autres quelques instants plus tard. Nouvel aparté sur les roadrunner qui décidément me fascinent : ces petits oiseaux coureurs raffolent des routes et autres étendues bien planes, où ils peuvent s’élancer et courir à pleine vitesse. Ils évitent en général au maximum la végétation dense, car celle-ci n’est pas propice à la course, mais aussi parce qu’il y trouvent leur plus grand prédateur : le crotale, qui les attend bien sagement entre les bosquets.
Nous rejoignons Panaca au 55ème kilomètre. C’est le moment de dire au revoir à Nicolas, qui doit retourner à Chicago. Un dernier ravitaillement pour Serge, et puis s’en va. Sa visite aura été un vrai plaisir, et on espère le revoir bientôt sur la course.
Une fois Panaca dépassé, nous avons deux options possibles : partir sur la gauche et rejoindre Caliente, ou alors sur la droite en direction d’Ely.
Ely n’est pas une ville, mais bien une prison. Et c’est ici que les condamnés à mort du Nevada sont envoyés, le temps de recevoir leur sentence. Cet endroit est assez connu car situé en plein désert, rendant les conditions de vie des détenus extrêmement difficiles l’été, avec des chaleurs au-delà du supportable.
Nous choisissons donc de continuer vers la gauche et Caliente, qui malgré son nom, nous apparaît comme une destination bien plus accueillante.
René retrouve un sachet de soupe au fin fond de la boîte à ravitaillement. Il semblerait que ce soit le seul à avoir survécu au « Massacre de Royco », triste événement survenu à la Tour de Belem de Lisbonne en mars 2016.
La journée se termine dans de superbes gorges aux abords de Caliente. Et comme nous avons changé d’heure en passant au Nevada, Serge arrive à l’hôtel à 17h. Une heure après nous sommes déjà à table, et profitons pleinement d’avoir fini la journée si tôt.
A demain.

Données de la montre Epix: Garmin Connect

Parcours du lundi 23 mai 2016: Etape 114