E83: Vendredi 22 avril // Roscoe – Fort Julesburg

72,46km – 10h19′

Le réveil sonne ce matin. Il est 6h, tout le monde se lève. Le temps de me préparer et je me rends au petit-déjeuner de l’hôtel vers 6h20. Mais celui-ci est fermé. Bizarre, il était censé être ouvert de 6h à 9h30. Je passe à l’accueil, et dans un anglais difficilement compréhensible pour quelqu’un qui vient de tomber du lit, la réceptionniste m’explique qu’il est 5h20. Mais non ! Nous avons changé d’heure ! A notre insu !
Nous sommes donc maintenant dans le 3ème fuseau horaire américain, appelé le Mountain Standart Time. Cette zone s’étend sur l’ensemble des Rocheuses, et la limite dans le Nebraska est très vaguement définie, ce qui explique notre déconvenue de ce matin.
Par chance la salle du petit déjeuner ouvre exceptionnellement une dizaine de minutes plus tard. Nous finissons de ranger nos affaires et nous voilà prêts à partir à 6h10 du matin. En voilà une drôle de journée qui commence ! D’autant plus que sur le chemin ralliant le point de départ, nous repassons sur le fuseau horaire précédent. Serge commence donc à courir à 7h30. C’est bon vous me suivez toujours ?
Pas un nuage à l’horizon ce matin, et le soleil tape déjà très fort. Alors on en profite, l’appareil photo dans une main, la go pro dans l’autre, et on mitraille !
Peu après le 15ème kilomètre nous arrivons dans Ogallala. La particularité de cette ville est d’avoir gardé un bout de son artère principale visuellement comme elle fût à l’époque du far west. On peut y retrouver le saloon, la prison, les pompes funèbres…. ambiance !
Petite virée au McDonald’s aux environs de 10h et demi. Ici la culture du fast-food est encore plus encrée dans le quotidien que je ne l’imaginais. A cette heure-là les McDonald’s sont bien souvent bondés. Dans la campagne américaine, il est dans les habitudes pour beaucoup de venir prendre son petit déjeuner au fast-food, ou même un simple café. Contrairement à ce qui se passe chez nous où les bistrots et autres troquets remplissent cette fonction, ici Ronald s’en charge.
Aussi le panel de gens travaillant à McDonald’s est bien différent d’en France. Contrairement à chez nous où l’enseigne se veut être un vecteur pour de nombreux jeunes cherchant une première expérience de travail, ici il est courant de voir des employés de tous âges. Notamment les personnes âgées, qui sont généralement en cuisine. En fait, la domination de McDonald’s est juste impressionnante. La vie dans les campagnes étant assez rude, et la firme étant, au vu du nombre de restaurants implantés en zones rurales, l’un des plus gros embaucheurs du pays, l’équation est simple : tout en permettant à un bon nombre de personnes de s’en sortir en les rémunérant, McDonald’s assoit son emprise à la fois géographique mais aussi idéologique en imposant le principe du fast-food à la vie quotidienne de millions de gens. Malheureusement ce cercle très vertueux pour l’entreprise n’aide en rien à réduire les problèmes de santé des américains (qui découlent tout droit de leur malnutrition). Pire même, il les aggrave.
Mais revenons à notre course. Au kilomètre 35 se produit un petit événement : nous bifurquons légèrement sur la droite, laissant la voie ferrée continuer toute seule ! Adios !
Et dès lors c’est le no man’s land. Quelques granges abandonnées tout au plus, mais le chemin de fer à emporté tout forme de vie avec lui. Reste seulement René, le véhicule et le bruit sourd du vent balayant le plateau. Nous entamons alors la montée de la California Hill, jusqu’à atteindre les 1100 mètres d’altitude. La nature est quelque peu différente à cette hauteur, et l’on aperçoit nos premiers cactus, ainsi que les fameuses « boules d’épineux » qui roulent sur les routes avec l’aide du vent.
Après être donc montés en altitude, nous bifurquons sur la 138. Et alors que nous attendons Serge au croisement pour lui indiquer le changement de direction, un homme sur son vélo arrive dans la direction opposée. Au premier coup d’œil, avec tous ses bagages accrochés à son deux roues, on devine que cette personne est pour le moins originale. René, grand amateur de vélo, dégaine son appareil photo et lui fait un signe de la main. Celui-ci vient vers nous et René engage la conversation (avec un accent mélangeant du plus bel effet mélangeant l’anglais et le bressan).

« – Hello, we are french.
– Oui, moi aussi.
– Oh ! De quel coin ?
– De Normandie ! »

Oh didiou ! Un normand au Nebraska ! Pincez-moi si je rêve, mais en me levant ce matin j’étais à mille lieux d’imaginer que je croiserais un cousin viking aujourd’hui. Laissez-nous donc vous présenter Marc, 55 ans, voyageur à vélo avec déjà 101 pays traversés à son actif. Parti en 2010 pour réaliser son tour du monde à lui, il remonte actuellement vers Ottawa au Canada, et devrait passer la barre des 100 000 kilomètres demain ! Et contrairement à nous, Marc campe tous les soirs, et arrive tout droit du Colorado… où sévissait la tempête de neige. Chapeau bas.
En tout cas c’est le genre de rencontre qui vient te pimenter une journée. Et dire que si nous n’avions pas eu ce changement d’heure ce matin, nous ne l’aurions surement jamais croisé à cette intersection très précise où nous étions hors du véhicule. C’est ce que j’appelle le destin. Et il fait bien les choses.
Nous souhaitons bonne route à Marc et continuons la notre vers Big Springs. Nous y dormirons ce soir mais notre étape ne s’arrête pas là. La 318 bifurque et retrouve… la voie ferrée ! Oui ! Vous êtes soulagés ? Moi aussi, car on avait pas eu le temps de lui faire nos adieux. Nous suivons donc cette nouvelle highway sous un ciel bleu pâle, qui ne cesse de nous rappeler que nous sommes bien montés en altitude depuis le début du Nebraska. Quelques kilomètres avant la fin d’étape Serge franchit le Colorado. Il s’arrêtera à la première ville croisée, Fort Julesburg. A demain et bonne nuit.

Données de la montre Epix: Garmin Connect

Parcours du samedi 23 avril : Etape 84